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23 mai 2019 4 23 /05 /mai /2019 08:53

Dans son édition du mois de mars 1988, la revue DIAPASON publiait  "Question du mois", au R.P. Emile MARTIN de l'ORATOIRE Maître de Chapelle à St Eustache. Il était questionné sur un document rédigé par la Congrégation pour le Culte Divin publié le 19 décembre 1987. Ces réponses méritent d'être connues même trente ans plus tard:

"Première constatation : à propos de la musique sacrée : le document romain ne dit à aucun moment de façon précise ce qu'il faut entendre par là, hormis le cas d'un texte religieux mis en musique, et j'imagine en bonne musique. Car le caractère sacré d'une oeuvre musicale ne se limite pas au texte qui lui sert de prétexte. En revanche, quand l'auteur du document déclare d'un ton égal "qu'une musique symphonique, si belle soit-elle, n'a pas de caractère religieux", j'ai envie de répondre avec Malraux : "Candeur ou provocation?", ou avec un certain pape Pie XII après l'adagio d'un quatuor beethovénien joué dans sa bibliothèque par le "Nuovo Quartetto Italiano" : "Bravi! Bravi! Quand nous fera-t-on des Tantum ergo de cette qualité-là?"

Voeu significatif: à ce degré de ferveur et d'intériorité, la musique purement instrumentale devient "ce chœur lointain des idées immortelles" dont rêvait un autre inspiré, Hegel, en écoutant la fugue en si mineur de JS Bach...

Où finit le profane? où commence le sacré? Un critère fondamentale : la qualité, même au prix de la parodie dont les Maîtres ont usé et abusé !

Monteverdi dont le madrigal :"chevelure dorée" est devenu le radieux psaume Beatus Vir; Bach qui change un air de chasse en un chant de Pentecôte; où l'oratorio de Noël parodie d'une cantate mythologique (le choix d'Hercule).

Sans doute les réminiscences profanes s'effacent-elles avec le temps...La musique du "Concordi laetitia", hymne marial, était celle de la chanson la plus lubrique du Moyen-Age ! Qui s'en souvient? Mais que dire du Menuet du Bourgeois Gentilhomme devenu un cantique  au Saint Sacrement par le biais de quelques vers qui sont à peine de la prose ! Qualité, qualité!

Pour certains, l'église est assimilée de plus en plus à un espace d'un caractère particulier où des œuvres purement profanes y compris les variétés : le jazz, le rock, ne sont pas forcément déplacées. On invoque l'exemple du Moyen-Age où la cathédrale était la maison du peuple "asile des pernoctants, parloir aux bourgeois", et genèse de toute une production artistique que des salles spécialisées devaient dans la suite recueillir et cultiver.

Là était le progrès. Faire revenir au sanctuaire ces divertissements là est la régression.

Par ailleurs, la deuxième ordonnance concerne la gratuité des auditions. Plus de places payantes  aux récitals d'orgue et aux concerts...On se demande si certaines églises qui affichent une véritable "saison musicale", seront assez riches pour résilier les contrats de solistes, d'orchestres, voire de chorales...Et il faudra aussi convertir les mélomanes, leur prouver que la gratuité peut garantir la qualité. Vaste programme ! Il est vrai que le document ne dit nulle part que la production doit être bénévole. Il est même prescrit à l'organisateur de régler les frais du concert, et des dégâts éventuels. Un oiseau rare à coup sûr ce manager futuriste !

Le Préfet de la Congrégation, cardinal et bénédictin, serait-il un pur esprit? Nous ne vivons pas en théocratie...et j'ajouterai que si la billetterie est entrée dans les mœurs, ce n'est que justice que ce soit par le biais des mécènes, des sponsors, ou des usagers qui estiment normal de contribuer aux frais quand ils vont chercher au concert spirituel un environnement qu'ils ne trouvent pas dans une salle ordinaire, une qualité musicale, et des oeuvre qu'ils ne trouvent pas à l'office.

Enfin, si l'accès au concert spirituel doit être désormais libre et gratuit, il est à craindre que nous assistions au moins en France, à la disparition pure et simple du patrimoine musical le plus riche que l'histoire religieuse nous ait légué, et que pareil à des pigeons décérébrés nous nous laissions mourir sur un monceau de grains."

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